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Hiroshima [1953 - Japon, 104 min. N&B] R. Hideo Sekigawa. Assistant-réal. Kei Kumai. Sc. Yasutarô Yagi. Ph. Shun'ichirô Nakao, Susumu Urashima. Déc. Tôtetsu Hirakawa. Mont. Akikazu Kôno. Mus. Akira Ifukubu. Pr. East West, Takero Itô, Takeo Kikuchi. I. Eiji Okada (Professeur Kitagawa), Yumeji Tsukioka (Yonehara), Yoshi Katô (Yukio Endo), Takashi Kanda (le prof. Senda), Isuzu Yamada.

~ Hiroshima, début des années 1950. Le film évoque les séquelles dues à l'explosion de la bombe atomique américaine sur la cité. Professeur dans un lycée, Kitagawa (Eiji Okada) constate que nombre de ses élèves en sont durablement et gravement affectés. Il enclenche un débat avec eux. Il prend conscience d'une terrible tragédie qu'il avait sous-estimée. À travers un long flash-back, le spectateur est projeté dans les jours qui suivent le 6 août 1945, date de l'explosion. C'est le spectacle hallucinant du chemin de croix des habitants d'Hiroshima ou l'enfer sur terre. Puis, le film revient au présent : un jeune ouvrier, Yukio Endo, refuse de travailler dans une usine produisant des armes (certainement pour soutenir l'armée américaine en Corée). Il manifeste avec véhémence son refus d'une guerre et d'une nouvelle catastrophe nucléaire.  

Le film est tiré d'un recueil de témoignages publié en 1951 par Arata Osada : Les Enfants de la Bombe A : Testament des garçons et des filles d’Hiroshima. Un syndicat, l'Union Japonaise des Enseignants, a d'abord demandé au cinéaste Kaneto Shindō d'adapter l'ouvrage pour l'écran. Ce fut Les Enfants d'Hiroshima (1952). Mais, jugeant la portée politique du film inexistante, l'UJE se tourne alors vers Hideo Sekigawa pour une nouvelle version. Hideo Sekigawa (1908-1977), rappelons-le, fut suspecté au moment de la Guerre Froide, d'opinions communistes. Ce qui lui coûta un licenciement de la Toho et l'obligation de travailler en indépendant.

Plaidoyer pacifiste sans concessions, jugé à l'époque trop anti-américain, le film demeura longtemps peu visible. C'est pourtant l'œuvre la plus forte, la plus vraie sur le drame d'Hiroshima. Ce que l'on voit ici est une reconstitution d'un réalisme insoutenable. Mais Sekigawa montre aussi combien la radioactivité provoque des conséquences à la fois physiques et psychiques sur les individus survivants appelés ici les Hibakuchas et sur leurs descendants. Il donne la voix à ceux-ci : en ce sens, le film revêt un caractère didactique et documentaire. Il appelle à briser le mur du silence et de l'indifférence. Toutefois, et au-delà de l'horreur mise en images, Hiroshima, aidé par une musique fascinante d'Akira Ifukubu, est une œuvre d'une grande beauté formelle. Alain Resnais avait, quant à lui, eu la chance de le voir très tôt. Il en extraya quelques séquences pour son propre film, Hiroshima, mon amour. Il engagea en outre Eiji Okada, le professeur sous-informé du film de Sekigawa. Ce qui fit dire à un critique, Enrique Seknadje, que cet enseignant « n'avait rien vu à Hiroshima », en pensant aux dialogues de Marguerite Duras dans le film de Resnais réalisé en 1958. Autre commentaire mémorable, celui du réalisateur de Platoon, Oliver Stone : «  Ce film raconte ce qu’est la guerre moderne. Il me rappelle aussi l’horreur. Les souvenirs sont toujours un combat contre l’oubli. Les gens tournent toujours le dos aux choses dont ils ne veulent pas se souvenir. C’est pourquoi je veux que les gens du monde entier voient ce merveilleux film ». 

 

Histoire officielle (L') (La Historia oficial) [1985 - Argentine, 112 min. C] R. Luis Puenzo. Sc. et dialogues. Aida Bortnik, L. Puenzo. Ph. Felix Monti. Mus. Atilio Stampone. Chanson : El pais del nomeacuerdo de Maria Elena Walsh. Mont. Juan Carlos Macias. Dir. art. Abel Facello. Cost. Tiky Garcia Estevez. Pr. Cinemania, Progress Communications|Marcelo Pineyro. I. Norma Aleandro (Alicia), Hector Alterio (Roberto), Chela Ruiz (Sara), Chuchuna Villafane (Ana), Hugo Arana (Enrique), Patricio Contreras (Benitez), Guillermo Battaglia (José), Maria Luisa Robledo (Nata), Analia Castro (Gaby), Jorge Petraglia (Macci), Augusto Larreta (Général), Leal Rey (Le curé). Prix d'interprétation féminine (N. Aleandro) au Festival de Cannes 1985. Oscar du meilleur film étranger 1986. 

Buenos Aires|1983. Dernière année de la dictature civile et militaire argentine, autoproclamée « Processus de réorganisation nationale » (1976-1983).

Alicia Marnet de Ibáñez (Norma Aleandro) est professeure d'histoire dans un lycée pour garçons. C’est une fonctionnaire vivant confortablement avec son mari Roberto, homme d’affaires qui s'est enrichi en traitant avec la dictature, leur fille Gaby, adoptée il y a cinq ans, et la bonne. Au cours des derniers mois de la dictature, les signes précurseurs de temps nouveaux s’accumulent : des journaux révèlent l'existence de desaparecidos (disparus). Des manifestations exigent que soient punis les coupables de la « guerre sale » et de celle des Malouines, l'Association civile des Grands-mères défilent autour de la Place de Mai… Alicia, comme beaucoup d'Argentins, ne semble pas réellement consciente du terrorisme d'État et des disparitions organisées dans le pays. Elle croit naïvement que seules les personnes coupables sont arrêtées. Les opinions d'Alicia sont mises en cause par un collègue enseignant, Benítez (Patricio Contreras). Puis certains de ses élèves interrogent le contenu des manuels d'histoire....

 

Hommes du Président (Les) (All the President's Men) [1976 - États-Unis, 138 min. C] R. Alan J. Pakula. Sc. William Goldman, d'après l'ouvrage éponyme de Carl Bernstein et Bob Woodward. Ph. Gordon Willis. Son. James E. Webb. Mus. David Shire. Déc. George Jenkins, George Gaines. Cost. Bernie Pollack. Mont. Robert L. Wolfe. Script. Karen Wookey. Pr. Wildwood Enterp., Warner Bros|Walter Coblenz. I. Dustin Hoffman (Carl Bernstein), Robert Redford (Bob Woodward), Jack Warden (Harry Rosenfeld), Martin Balsam (Howard Simons), Hal Holbrook (Gorge Profonde|Deep Throat), Jason Robards (Ben Bradlee), Jane Alexander (la comptable), Meredith Baxter (Debbie Sloan), Stephen Collins (Hugh Sloan). Oscar 1977 du meilleur scénario, de la meilleure prise de son, de la meilleure direction artistique, dui meilleur second rôle (Jason Robards). 

En juin 1972, cinq personnes entrent par effraction dans le quartier général du Parti démocrate, situé dans l'immeuble Watergate à Washington. Un gardien de la sécurité découvre une porte déverrouillée, refermée avec du ruban adhésif. La police, prévenue, se rend sur les lieux et arrête les cambrioleurs. Le lendemain de leur arrestation, le jeune journaliste Bob Woodward, du Washington Post, découvre que les cinq prévenus, quatre Cubains et James McCord, ancien agent du FBI et de la CIA, avaient un équipement pour placer des micros. Ils ont tous un lien avec la CIA, et ont le même avocat, refusant ceux qui ont été commis d'office. Woodward relie les cambrioleurs à Howard Hunt, membre du Comité pour la réélection du Président et à Charles Colson, conseiller juridique de la Maison-Blanche de Richard Nixon, président des États-Unis sortant et candidat à l'élection présidentielle de 1972...

Three Days of the Condor (1975, Sydney Pollack), toujours avec Robert Redford jouant le rôle de Jo Turner alias « Le Condor », se clôturait sur l'image de l'agent de la CIA déposant dans la boîte aux lettres du New York Times le récit de son investigation à fort scandale. Turner dit à son supérieur : « Ils l'imprimeront. » Celui-ci rétorque : « Qu'en savez-vous ? » Le film de Pakula, initié par l'acteur, en constituerait une forme de réponse. Sauf qu'ici c'est le Washington Post qui prend la relève.

Dès le début du scandale du Watergate - une affaire d'espionnage politique aux multiples ramifications qui aboutit à la démission, le 9 août 1974, de Richard Nixon, le président des États-Unis-, l'acteur Robert Redford s'intéressa de très près à l'événement. Au cours de la tournée promotionnelle de Votez McKay (The Candidate, 1972) réalisé par MIchael Ritchie, il fut choqué par le fait que les journalistes traitaient avec beaucoup de cynisme des phénomènes de corruption politique qui jetait un total discrédit sur les prétendues « valeurs démocratiques » défendues en haut lieu. Tous ou presque ironisaient à propos de la perspicacité ou de la persévérance de leurs confrères du Washington Post, à savoir Bob Woodward et Carl Bernstein.  Robert Redford, a contrario, chercha à rencontrer ces deux reporters. C'est même lui qui finira par les convaincre d'écrire ce fameux livre qu'Alan J. Pakula portera ensuite à l'écran. Mais on pourrait dire, sans se tromper, que ces Hommes du Président sont ceux de Robert Redford - il en est coproducteur - avant qu'il ne passe bientôt derrière la caméra et pour de bon. Conduit comme un thriller haletant, le film met au jour des mœurs politiques qui, pour une fois, sont clairement identifiées : ce sont celles qui ont  cours en « démocratie américaine ». Ici, apparaissent des noms, des faits, des institutions décelables et concrets. Il s'agit bien du premier film politique étatsunien, ou presque. C'est donc un fait considérable. Pour autant, et, comme l'affirme le documentariste Peter Watkins, le film demeure « à l'intérieur d'un système rigide, le système hollywoodien. [...] on ne discute pas de ce qui est endémique au système politique américain. » [In : La Revue du cinéma. Image et son. n° 311, 1976] Richard Nixon n'est pas seul. Il a simplement eu tort d'être découvert. L'affaire du Watergate n'a rien d'exceptionnelle en soi, elle constitue surtout un révélateur. Au crédit du film, il nous faut louer l'excellente approche psychologique de la combinaison Woodward|Bernstein incarnée par Redford|Hoffman et la reconstruction, infiniment proche de la réalité, d'une salle de rédaction, celle du Washington Post. Mais aussi l'activité incessante, minutieuse des deux « taupes » du journal et la menace grandissante qui risque de les happer à l'image d'une cité filmée sous son angle sombre et effrayant.